La chronique médicale

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B.I.U.M.

Les cochons de Bicètre

La chronique médicale

1896
page 503-504

Chronique Médical

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... Nous avons cueilli le récit hilarant qui suit dans la presse quotidienne. Peut-ètre n'est-il pas tout à fait vrai, mais il est d'une invention si drole !

Le cochon des Internes

... Les internes de l'hospice de Bicètre viennent d'étre victimes d'une bien mauvaise farce de la part de quelques camarades d'un hopital de Paris.
... Ceux-ci avaient appris que leurs collègues de Bicètre, qui ont un jardin et divers locaux, tels que serre, buanderie, etc, à eux spécialement affectés, avaient élevé un cochon, et que cet animal, gras et dodu, était en parfait état pour etre dégusté.
Revétus de longues blouses bleues, coiffés de casquettes de soie, nos futurs médecins se hissaient, mercredi dernier, vers dix heures du soir, dans un fiacre loué pour la circonstance, et arrivaient à Bicètre vers minuit, l'heure des crimes !
... Parfaitement au courant des locaux, ils longeaient le mur d'enceinte, s'introduisaient dans le jardin en franchissant une cloture et arrivaient bientot à la porte de la buanderie, qui n'était pas fermée. En quelques secondes, le cochon était ficelé, mais, comme il commençaint à pousser des grognements, l'un des internes lui appliqua sur le groin un mouchoir imbibé de chloroforme (quelle scène de drame, ô Dennery!), et dix minutes après, les jeunes gens avaient rejoint le fiacre et faisaient route pour Paris avec leur victime.
... Tout à coup l'un des voyageurs songea qu'on allait passer à l'octroi et que les gabelous demanderaient une taxe pour le cochon. Quel parti prendre ?
... On arréta la voiture, on descendit, et, sur le trottoir, à la lueur d'un bec de gaz, on chercha une combinaison pour éviter les frais.
... A ce moment survinrent trois vauriens, à mine patibulaire, qui, en voyant les internes avec leurs blouses et leurs casquettes, les prirent pour des acolytes en quète d'un mauvais coup et leur proposèrent de leur donner un coup de main.
Naturellement, on refusé leur concours et l'on remonta en voiture. A la barrière, les employés de l'octroi interrogent les voyageurs, qui exhibent leurs cartes d'étudiants et déclarent qu'ils viennent de chercher un porc atteint de la rage pour le conduire à l'Institut Pasteur. Ils passent sans bourse délier.
... Le trajet s'accomplit sans encombre jusqu'à la rue Gay-Lussac, mais là le compagnon de Saint-Antoine se réveilla tout à fait et se mit à pousser des cris stridents. un des internes eut alors l'idée de s'asseoir sur lui pour les étouffer. Il y réussit parfaitement, car l'animal piqua sa petite syncope.
... Aussitot nos médecins, rappelés au devoir professionnel, font arreter les voitures et se mettent en devoir de pratiquer la respiration artificielle et les tractions rythmées de la langue sur l'animal à demi asphyxié. Tout fut inutile : le cochon avait trépassé.
... Puis il rentrèrent à l'hopital, non sans avoir déposé le cochon chez un charcutier du voisinage, qui se mit aussitot en devoir de confectionner des jambons, des saucissons, du boudin, des pieds, etc. A neuf heures du matin, le sacrifice était consommé !
... Mais la plaisanterie ne s'arréta pas là.
... Les internes poussèrent plus loin l'audace. Ils firent confectionner, au nom de leurs camarades volés, des invitations et les adressèrent à tous leurs collègues des hopitaux pour les engager à venir, à Bicètre, déguster le cochon qu'on venait de tuer à leur intention.
... Avant-hier soir, vers sept heures, une soixantaine de futurs médecins arrivaient à l'hospice de Bicètre, avec un appétit féroce, pour prendre part au festin ... et apprenaient de leurs collègues furieux non seulement que le camarade de saint Antoine avait été volé, mais qu'on n'avait préparé aucun repas.
Circonstance aggravante : à ce moment arrivait, par colis postal, un magnifique jambon provenant de la victime, mais un jambon pour soixante et quelques jeunes gens, ce n'était pas suffisant et les mystifiés se mirent dans une colère épouvantable ...

... L'histoire ne dit pas si on est arrivé depuis à découvrir les coupables ?