association des salles de garde des internes des hopitaux de paris

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Entre deux opérations,
L'orgie continue.

Par Fédéric Brillet

NewLook Avril 1996, n°151

Association des Salles de Garde

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..... Circulez, y'a rien à voir ! Ou plutot, il y en a tellement que faire visiter serait indécent : femmes aux sexes béants, phallus bandants, copulations plus crues que nature, tout y passe. Pourtant, nous sommes dans un hopital et, quelques salles plus loin, des médecins s'affairent, bistouri en main, pour des interventions périlleuses.
..... Depuis le XIX éme siècle, les salles de garde constituent un bastion de la gauloiserie et un lieu de défoulement pour les étudiants de médecine et pharmacie qui les frèquentent. Sur les murs et les plafonds, partout s'étendent des fresques érotiques caricaturant internes et médecins dans des exercices dignes du Kama sutra. Mais au delà des délires porno-picturaux, les salles de garde doivent également leur réputation à un folklore digne du pays de Rabelais, qui, lui-même était médecin. Entre deux chansons salaces accompagnant des repas bien arrosés, les internes commettent toutes sortes d'actes contraires aux bonnes manières, depuis le strip-tease jusqu'aux "projections", ces batailles d'aliments divers dont les murs gardent trace longtemps après. Si ces lieux de débauche demeurent un monde à part au sein de l'hopital, c'est que les internes les gèrent eux-mêmes, filtrant à l'entrée "parasites" et "fossiles" (surnoms donnés aux invités extérieurs et anciens internes). Les repas sont soumis à un réglement précis : il faut y manger en blouse blanche, taper sur l'épaule de chaque convive en entrant, ne jamais parler médecine avant le café, demander la permission pour se lever, sabrer les bouteilles au couteau, faire des battues de couvert et chanter à la demande de l'économe qui préside ces repas. Une roue distribuee des gages à ceux qui violent le réglement. Gages qui vont de l'achat d'une bonne bouteille à une simulation d'orgasme en passant par l'obligation de finir le repas torse nu....
..... Les "tonus" , sortes de grands-messes, forment la quintessence de l'esprit des salles de garde : les filles "montrent leurs poumons" à leurs camarades; les internes se déguisent, chantent deux fois plus fort; et tous partent enterrer les étudiants qui achèvent leur internat sur l'air inoubliable de "De profundis" dans une cérémonie funèbre. Avec, en option, le feu d'artifice en pleine nuit, au milieu de l'hopital. En revanche, les débauches intégrales auxquelles se livreraient les participants lors des tonus relèvent plus du mythe que de la réalité. En matière de sexualité, la salle de garde dépasse rarement le stade oral : si on y parle beaucoup de chair, on y consomme surtout de la bonne - ou mauvaise- chère contenue dans l'assiette. "Ca ne va pas plus loin que les chansons salaces, un brin d'exhibitionnisme et quelques tours pendables. A l'époque où j'étais interne, nous avions enfermé pendant la nuit le directeur de l'hopital dans sa chambre, en édifiant un mur devant sa porte", raconte Doc, animateur sur Fun Radio et médecin en formation.
..... Pourquoi les étudiants en médecine et non ceux en droit ou en littérature ont-ils ressenti le besoin de forger un folklore aussi étonnant ? Parce que les internes, comme leur nom l'indique, vivaient à l'origine en communauté au sein de l'hopital, un lieu où l'on mourrait plus facilement qu'aujourd'hui. " Au XIX éme siècle, les salles de garde permettaient aux internes de se défouler, d'oublier la souffrance et la mort auxquelles ils étaient quotidiennement confrontés" explique un cardiologue (le terme carabin -l'appellation familière de l'étudiant en médecine- vient d'ailleurs de l'ancien français escarabin qui signifie "ensevelisseur de cadavres"). Depuis la médecine a fait des progrès et les internes ne se contentent plus d'enterrer leurs patients, mais les traditions des salles de garde se maintiennent. Pourtant ces fantaisies indisposent une administration soucieuse d'ordre et d'image de marque. Dans les vieux hopitaux parisiens, les directeurs font pression pour supprimer ces salles et rassembler tout le personnel dans le meme réfectoire, sous prétexte d'économies budgétaires. Dans les nouveaux établissements, on "oublie" souvent d'aménager une salle pour les internes. "Les responsables des hopitaux sont aujourd'hui des gestionnaires et non plus des médecins. Ils ne comprennent pas nos traditions", déplore un interne de la Salpétrière qui milite avec un groupe d'amis pour leur maintien. Pour décourager la résistance, l'administration laisse ces salles se dégrader : nombre d'entre elles semblent n'avoir pas été rafraichies depuis la découverte de la péncilline et contrastent furieusement avec l'ambiance high-tech des blocs opératoires. Si bien que ce folklore, très français, risque à plus ou moins court terme de disparaitre.

Par Frédéric Brillet.

 

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