" Tout petit externe, notre frère, les anciens t'invitent à venir en ce jour à Bullier noyer, dans les chants et les rires, les amertumes et les angoisses que des juges austères ont jetées en ton Ame avec leurs questions, les seules que tu ne connaissais pas. Suis les conseils de notre Paul national et délasse-toi dans l'étude d'une anatomie moins osseuse. Laisse ta fleur d'oranger au vestiaire, tu la reprendras à la sortie pour la reporter à ta maman.

Pour toi, petite amie, jeune et jolie, ne sois pas avare de tes charmes : c'est toi qui dois le consoler de ses déboires et c'est dans ta coupe qu'il boira l'ivresse.

Et toi, voyeur honnie ne te hasarde pas au milieu de nous; ta puanteur bourgeoise te trahira ; gare à ta peau, gare à tes balles. "

- Extrait du Carnet du Bal de 1905-

   Les Seniors, dans leur grande sagesse, souhaitaient voir l’année du Bicentenaire de l’Internat se terminer en beauté lors d’une cérémonie de clôture imprégnée de traditions et d’esprit médical. Ce sera chose faite, puisque avec le soutient du comité de l'Internat, de l’AAIHP, de l’ISNIH, du SCCAHP et de l’ISNCCA, l’association des salles de garde " le Plaisir des Dieux " a tout mis en œuvre pour que puisse revivre en cette année unique le mythique Bal de l’internat, le vendredi 29 Novembre 2002 à la Salle Wagram. A la manière des grandes écoles, cette soirée de prestige se doit d’incarner les valeurs profondes de l’internat. Le Bal offrira aux jeunes générations d’internes une image forte et respectueuse de notre institution, riche de 200 ans d’existence.

   Le thème sera " La Folle Histoire de l’Internat ", sorte de pèlerinage qui rassemblera à travers une passionnante fresque historique 4000 ans d’aventures médicales mis en scène par les meilleures salles de garde Parisiennes et avec la participation des internats provinciaux. Afin de privilégier la qualité de la soirée, il n’y aura que 750 places. Les premières places seront vendues courant Juin. Pour tout renseignement, consulter le site Internet du bal : www.baldubicentenaire.com. Réservation et vente des places :dans vos salles de garde, sur le site ou auprès du plaisir des dieux, 17 rue du fer à moulin 75005 PARIS, Téléphone: 01.46.69.14.10.

Le Bal de l'internat, qu'est ce que c'est ?

Un grand Gala annuel…

   Le bal de l’internat était une manifestation annuelle née au 19ème siècle, équivalent médical des Galas des grandes écoles. Parmi les archives que nous avons examinées, le carton d'invitation le plus ancien date de 1897.

   Le Bal était le grand événement de l'année attendu par toutes les générations du corps médical, la cérémonie à ne manquer sous aucun prétexte tant elle incarnait profondément cet esprit si particulier que l'on ne retrouve dans aucune autre corporation. Jadis le Bal avait lieu juste après le concours de l'Internat, et les internes y invitaient les externes fatigués qui allaient bientôt devenir leurs collègues. Au cours de cette grand messe des traditions médicales, patrons, chefs, internes et externes se rencontreraient costumés de riches déguisements comme le veut la tradition.

Un rassemblement des salles de garde…

   La soirée commençait bien souvent dans les salles de garde de chaque hôpital, où les internes avaient préparé leurs déguisements, leurs spectacles ainsi que d'incroyables chars matérialisant le plus souvent une allégorie médicale cocasse. Tous allaient ensuite se retrouver en un endroit convenu, la salle Bullier (aujourd'hui disparue) ou la salle Wagram. Chaque Salle de garde traversait ainsi Paris, costumée et poussant ses chars en pleine rue devant les yeux ébahis des passants ! La soirée orientée autour d'un grand thème commençait par une revue des chars de chaque hôpital, où tous pouvaient admirer la qualité des inventions de chaque équipe de Salle de garde. On procédait ensuite, au cours d'un fastueux repas, à l'élection du plus beau char et à la remise du prix du plus beau déguisement. Le déguisement était obligatoire, le port du loup interdit et seuls les costumes "faits maison" étaient récompensés. A chaque hôpital était attribuée une loggia de laquelle on pouvait se donner en spectacle et présenter les numéros, chansons, parodies ou petites pièces de théâtre préparés pour la circonstance. Bien que longtemps majoritairement masculine, la communauté médicale accordait un très grand intérêt à la gente féminine, très vivement conviée et appréciée lors du bal de l'Internat…

La grand messe du corps médical…

   Le bal était l'unique occasion d'une grande communion médicale qui gommait un instant les hiérarchies et les générations dans un moment de joie, d'amusement et d'excès nécessaires pour oublier les dures responsabilités qui incombent quotidiennement au médecin. Après tous ces divertissements, cette grande cérémonie était suivie d'une soirée dansante open bar jusqu’au bout de la nuit…..

Une tradition menacée….

   Les guerres de 1870; 1914 et de 1939 interrompent cette tradition qui revoit le jour dès la fin de chacune de ces périodes troublées et dramatiques. L'année 1968 marque le crépuscule du Bal de l'Internat, qui dès lors devient une manifestation très irrégulière et de plus en plus rare. Dans l'élan passionné d'un seul homme, le Docteur JM Gracies, le comité de l’internat mobilise une gigantesque énergie en 1991,1992 et 1993 pour relancer cette institution en voie de disparition . Ces bals sont un réel succès mais la difficulté d’organisation décourage les plus motivés les années suivantes. Chaque tentative avorte très vite face à l'ampleur de l'entreprise et au problème financier qu'implique un tel événement. A la demande des anciens et sous la pression de la nostalgie, Le Plaisir des Dieux a décidé de se lancer dans cette vaste entreprise qui clôturera les festivités du bicentenaire et donnera un grand espoir aux jeunes génération d'internes et futurs internes.

Quelques Anecdotes piquantes…

Derocque, fidèle au Bal.

(d'après la revue trimestrielle de l'AIHP, Décembre 1998)

   Célèbre Chirurgien, vaillant combattant, ancien interne de l'Hôtel Dieu et de Bichat, il possède une personnalité accusée. Son existence trépidante s'imprègne d'un humour rabelaisien dont il ne se départira jamais. Devenu patron, il organisait des Tonus mémorables qui menaient des convives spongieusement alcoolisés jusqu'aux approches périlleuses où la gaudriole risque de prendre une tournure orgiaque !

Traité en athlète, il se signala par une prestation inoubliable au Bal de l'Internat de 1925 (carton d'invitation en première page).

Chacun sait que cet événement réunissait tout le corps médical hospitalier en de bien mémorables agapes. Avant les réjouissances de gueule, tous les internes rivalisaient de talent pour un défilé costumé sur un thème donné. En 1925, c'était la mythologie et chaque hôpital fignolait sa propre Empyrée dans l'espoir de décrocher le prix réservé au groupe le mieux réussi.

La tradition voulait que les salles de garde sortissent costumées pour se rendre à la salle Bullier ; une apparition guettée par une foule entourée d'agents cyclistes débonnaires.

Une massue pour tout habit, il défile au Bal de l'Internat .

   Derocque ne s'était pas mis en frais. Déguisé en Hercule, il n'avait pour tout habit qu'une massue !

   Le succès fut énorme en dépit des efforts dissimulateurs des flics à roulettes qui, toréadors improvisés, jouaient de leurs pèlerines ! Le triomphe fut la traversée de Paris en autobus à plate-forme où, dans l'encadrement du portillon, gesticulait un barbu à poil, brandissant sa massue.

Un directeur récalcitrant…comme tant d'autres !

   Un qui n'apprécia par du tout la plaisanterie, ce fut le directeur de l'hôpital. Son respect pointilleux du règlement l'opposait sans cesse aux internes ; Derocque était son souffre-douleur. Pour lui, ces jeunes gens étaient de " mauvais garçons " qui méritaient un dressage à poigne et il prétexta de l'esclandre olympien pour fermer la salle de garde. De ce fait, les internes, y compris celui de garde, durent loger dans un hôtel-restaurant voisin…L'affaire s'arrangea finalement aux dépends du directeur, grâce à une prouesse médicale qui valut à Derocque les honneurs de la presse. Profitant de l'occasion, il discrédita le directeur en dévoilant au grand jour avec quel mépris étaient traités les internes…une leçon à retenir pour des circonstances qui pourraient encore être d'actualité. Les directeurs semblent issus du même clone qui traverse les générations avec un constant mépris des traditions médicales…

Un exemple pour tous…

   L'amour de Derocque pour les traditions médicales ne l'a pas empêché, en 1925, de vivre librement et de devenir un personnage éminent de la médecine Française et un vaillant défenseur de la patrie (combattant de la première heure en 1918, mort au champ d'honneur pendant la deuxième mondiale car il refusait les "planques" des hôpitaux militaires). Traditions et efficacité ne sont pas incompatibles comme le croient les administratifs aveugles; bien au contraire, il y a bien là une synergie indispensable aux internes. Les jeunes générations se doivent de préserver ce patrimoine riche de 200 ans d'existence qui participe à la formation d'une élite de renommée mondiale.

Les spectacles les plus célèbres :

Les Phalliques, de Jean Lapine.

Célèbre pièce écrite en l'an de grâce 1669, la tragédie " les Phalliques " est sans doute la plus grande œuvre du répertoire des salles de gardes. Maintes fois interprété, toujours bouleversant, ce classique international exprime la quintessence du folklore des salles de garde: riche, subtil, difficile à mettre en scène…des folles rumeurs se répandent autour d'une prochaine interprétation pour le Bal du Bicentenaire…(dernière interprétation:1999, Gala de l'Internat en Pharmacie)

Voici un extrait d'un des passages les plus dramatiques de la tragédie antique, mettant en scène Phallus roi de Paphos, Tréponème, guerrier de Phalus; Sautopine, épouse de Phallus; Sucepenis, amante de Phallus.

Scène III : TREPONEME, SAUTOPINE, SUSPENIS

TREPONEME :
Madame, souffrez qu'à vos genoux, je tombe prosterné

SAUTOPINE :
Ami relève-toi, mais quel air consterné

TREPONEME :
Madame...

SAUTOPINE :
Je comprends d'où viens ta réticence
Sucepénis, ici, imposant sa présence
Paralyse le flot d'un discours langoureux
Que m'adresse par toi un époux amoureux.

TREPONEME :
Non Madame, au contraire, elle doit tout entendre
Puisque ici comme vous elle paraît attendre
Que revienne celui qui était votre époux
Et dont l'énorme nœud rendait les dieux jaloux
Mais il faut vous garder d'un désespoir funeste
Quand vous verrez Phalus, du moins ce qu'il en reste
Car s'il a de Lesbos pris tous les étendards
Aux mains des ennemis, il a laissé son dard.

SAUTOPINE :
Oh ! l'horrible attentat digne d'un régicide

SUSPENIS :
Comment est-ce arrivé, qui est le paficide ?

TREPONEME:
Nous touchions à la fin de deux ans de combats
Menés contre Lesbos, après un court débat
Phalus donne la paix à la belle gougniotte
La belle Anticoït, dont la pâleur dénote
Un goût immodéré pour l'amour féminin
Elle accepte nos lois, et de sa propre main
Déculotte Phalus en lui disant : " je t'aime ".
J'avertis notre roi de craindre un stratagème
La gougniotte en effet se roulant à ses pieds
Sollicite l'honneur de lui faire un pompier
Phalus en est charmé, il ne balance guère
Car n'ayant pas joui pendant deux ans de guerre
Son sexe atteint, Madame, un volume record.
A l'offre qu'on lui fait, il donne son accord
Alors Anticoït, dans un élan farouche
Introduit en entier le polard en sa bouche
Et puis serre les dents ainsi qu'un massicot
Votre époux jette un cri que répète l'écho...
Hélas ! il est trop tard. A quatre pas dans l'herbe
La perfide a craché son instrument superbe.
Du camp de nos soldats monte un cri furieux.
Les prêtres aussitôt interrogent les dieux.
Que doit faire Phalus ? Alors dans le silence
Que trouble seulement la chute d'une lance
Le ciel rend cet arrêt : " Puisqu'il est dévoré
Qu'il aille chez les Grecs pour s'y faire dorer"
Madame, c'est ainsi que loin de nos rivages
Traînant Anticoït réduite en esclavage
Nous avons pénétré la Grèce en son entier
Et c'est là que Phalus a trouvé l'amitié
Qui l'enchaîne à Sphincter souverain des pédales,
II ne le quitte plus, lui baise les sandales
Et s'en trouve si bien qu'à nos yeux étonnés
L'affront d'Anticoït a été pardonné
II répète sans cesse afin qu'on s'en souvienne
Qu'il doit un grand bonheur aux dents de la lesbienne
Et d'ailleurs dès ce soir avec Phallus ici
Vous verrez la Pédale et la Gougniotte aussi.

SAUTOPINE :
Quel affligeant récit. Ah ! Dieu est-il possible
Que je sois pour Phalus une inutile cible.

SUCEPENIS :
Tréponème sans doute a voulu nous tromper.

SAUTOPINE :
II a perdu l'esprit s'étant trop fait pomper
Et puisque au même état son discours nous ravale
Venez Sucepénis, cessons d'être rivales
Allons attendre ailleurs que Phalus triomphant
Montre à nos yeux ravis sa trompe d'éléphant…

Le Triomphe de La Vaseline

Discours accompagnant le défilé d'un char de l'Hôpital Beaujon au bal de 1905…

   " rran, rran….

   Citoyens, Citoyennes, Manants,

   Voici, pour vous instruire, les applications médicales et autres de Dame Vaseline, clef des portes étroites, glissière vers le plaisir, mère des enfantements.

   En tête le Pot, bien connu des bonnes femmes d'intérieur, ornement des tables de nuit. Derrière ce Seigneur, conduisant la sarabande, la personnification de la virilité: le Coq et ses sous Coqs, cocorique son triomphal résultat, grâce à la Vaseline.

   Puis viennent les Pommades cahotées, soulevées par Ia roue de la Fortune qui leur donne leur éphémère supériorité. Puis les divers instruments pour lesquels la Vaseline est le voile blanc qui leur cache l'ignominie des lieux vers lesquels on les pousse.

   Derrière eux, le Spéculum, crainte des timorées, œil qui va vers les antres profonds. L'œil est au fond, regarde... et c'est le bon. Le salut est dans le vase, ainsi que l'indique si bien la tête placée en avant. Derrière le Spéculum, adressant leurs prières, leurs craintes et leurs désirs à la déesse, les vierges précèdent les courtisanes qui, au milieu des fleurs, conduisent le char triomphal de la Vaseline vers l'éternité.

   Le Soleil, vaselineux comme tout ce qui est beau, éclaire la scène champêtre de deux jouvençaux qui, grâce a la Vaseline, peuvent monter au ciel.

   Devant eux, le penseur réfléchit aux conséquences et pèse le pour et le contre. Derrière le Soleil, lui communiquant son rayonnement, la Vaseline elle-même domine tout le cortège et se repose sur son effigie sur terre.

   Et si après cela vous ne vous en servez pas en sortant, c'est que-vous êtes indécrottables.

   Oui, ma chère ! "